Faut-il entendre le salarié avant de le licencier ? Perte d'une chance lors d'un licenciement

12/11/2024

Un arrêt récemment publié par la Cour de cassation a une nouvelle fois mis en lumière la manière dont la théorie de la "perte d'une chance" doit être abordée dans le cadre du droit du travail. En particulier, la Cour s'est penchée sur la question de savoir comment évaluer une demande de dommages-intérêts pour perte d'une chance dans le contexte de la cessation d'une relation de travail. 

Les faits de l'arrêt qui nous est soumis peuvent être résumés comme suit. Après un incident survenu le 4 août 2016, un employé a été convoqué le 10 août 2016 par son employeur, la commune X, pour un entretien qui devait avoir lieu le 16 août 2016, afin que l'employé puisse donner sa version des faits. Le 14 août 2016, l'employé a informé l'employeur qu'il avait reçu la convocation à l'entretien, mais qu'il ne serait pas en mesure de s'y rendre en raison du stress et des maux connexes résultant des heures supplémentaires, et qu'il était donc inapte au travail. Le 16 août 2016 - jour de l'entretien - l'employeur, sans avoir entendu le salarié, a procédé à son licenciement avec effet immédiat et a versé une indemnité de rupture. Peu après, le 12 septembre 2016, l'employé a déjà été engagé par une autre commune (commune Y) dans un poste similaire.

L'employé a fait valoir qu'il demandait une indemnité pour perte de chance. En particulier, la chance qu'il aurait perdue était la possibilité de rester employé par son ancien employeur (la commune X), s'il n'avait pas été licencié. Bien que le salarié ait déjà posé sa candidature auprès de la commune Y pour le nouveau poste qu'il a finalement occupé, s'il n'avait pas été licencié, il aurait pu choisir de rester employé par la commune X, ce qui aurait constitué sa perte de chance. Parce que le salarié a été licencié sans avoir été entendu, et donc avant d'avoir pu se défendre, le salarié affirme avoir subi un préjudice du fait de la perte d'une chance. Selon le salarié, ce préjudice est distinct de la cause matérielle et morale du licenciement lui-même, ce qui signifie qu'il n'est pas couvert par l'indemnité de licenciement. 

La Cour du travail, dont la Cour de cassation a confirmé le point de vue en l'espèce, a estimé qu'il n'y avait pas de perte d'une chance à cet égard, car le salarié ne pouvait pas en apporter la preuve. En particulier, la perte d'une chance doit être prouvée au moyen de dommages subis, qui sont certains et pas seulement hypothétiques, conjecturaux ou conditionnels. Or, en l'espèce, la Cour a considéré que l'employé avait une simple chance de rester employé par la commune X, mais celle-ci n'a pas du tout été prouvée par l'employé. En effet, il n'a pas été prouvé que l'employé, qui avait déjà postulé à un nouveau poste avant son licenciement, n'aurait pas refusé ce nouvel emploi. Par conséquent, la perte de chance de conserver son emploi auprès de la commune X n'est pas prouvée. Pour cette raison, la demande du salarié a été rejetée par la Cour de cassation. 

Dans ce cas, il a été jugé qu'il n'était donc pas certain que le salarié ait perdu une chance en ne l'entendant pas à l'avance. Toutefois, la question est de savoir si l'évaluation aurait été la même si l'employé n'avait pas retrouvé un autre emploi et qu'il avait donc définitivement perdu la possibilité de rester employé. En outre, étant donné qu'il s'agissait d'employés municipaux, on peut se demander si l'autorité étatique, en tant qu'employeur, doit être plus prudente qu'un employé privé, et est donc tenu d'entendre les employés. Cette question était encore ouverte au moment du licenciement qui a eu lieu ici. Peu de temps après, la Cour constitutionnelle s'est prononcée sur cette question et, entre-temps, le législateur est également intervenu, de sorte qu'un employeur qui emploie des personnes dans le secteur public est toujours tenu d'organiser une audition avant tout licenciement, qu'il s'agisse de personnel statutaire ou contractuel. Pour en savoir plus sur cette modification de la loi, cliquez ici. 

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Cass. 16 septembre 2024, www.juportal.be