Cadre légal pour la justification du licenciement des travailleurs contractuels dans le secteur public en cours d'élaboration

02/02/2024

Le 18 janvier 2024, le gouvernement a présenté un projet de loi sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public.

Contexte

Le projet de loi vise à mettre en œuvre la loi du 26 décembre 2013 relative à l’introduction du statut unique ouvriers et employés, laquelle a supprimé la disposition relative au licenciement abusif des ouvriers de la loi sur les contrats de travail (afin d’éliminer la distinction entre les ouvriers et les employés) et ce : 

  • Pour le secteur privé : dès l'entrée en vigueur d'une convention collective de travail rendue obligatoire conclue au sein du Conseil national du travail concernant la motivation du licenciement par l'employeur. Pour les licenciements notifiés à partir du 1er avril 2014, la convention collective de travail n° 109, conclue le 12 février 2014 au sein du Conseil national du travail, règle désormais la matière ; 
  • Pour le secteur public : à partir de l'entrée en vigueur d’une réglementation comparable. Or, à ce jour, aucune réglementation comparable n’a encore été adoptée. La Cour constitutionnelle a dès lors jugé dans un arrêt du 30 juin 2016 qu’en attendant l’intervention du législateur, il incombe aux cours et tribunaux, en application du droit général des contrats, de garantir les droits de tous les travailleurs du secteur public en cas de licenciement manifestement déraisonnable et sans discrimination, en s’inspirant, le cas échéant, de la CCT n°109 quant à ses principes. 

Avec ce projet de loi du 18 janvier 2024, le gouvernement s'attelle désormais (10 ans plus tard) à l'élaboration d’une réglementation similaire pour le secteur public. Étant donné que les tribunaux sont désormais habitués à appliquer la CCT n° 109, il a été décidé de mettre en place une règlementation aussi proche que possible des règles de la CCT n°109, tout en tenant compte des spécificités du secteur public.

Champ d'application

Les règles envisagées relatives à la motivation des licenciements et au licenciement manifestement déraisonnables ne s'appliquent qu'aux travailleurs du secteur public dont la relation de travail est régie par la loi sur les contrats de travail, et donc pas au personnel statutaire du secteur public ni aux employés du secteur privé. 

Le champ d'application de la CCT n° 109 est transposé par analogie dans la mesure du possible. La réglementation n’est donc pas applicable lorsque les travailleurs concernés sont licenciés :

  1. au cours des six premiers mois d’occupation, à condition que les contrats antérieurs successifs à durée déterminée ou de travail intérimaire pour une fonction identique chez le même employeur entrent en ligne de compte pour le calcul des six premiers mois d’occupation ;
  2. durant un contrat de travail intérimaire ;
  3. durant un contrat d’occupation d'étudiants ;
  4. en vue de mettre fin au contrat de travail conclu pour une durée indéterminée à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le travailleur atteint l'âge légal de la pension. 

Elle ne s'applique pas non plus aux travailleurs qui sont licenciés pour motif grave ou pour lesquels l'employeur doit suivre une procédure de licenciement spéciale fixée par la loi.

Entretien préalable et notification écrite des motifs du licenciement

Si un employeur envisage de licencier un travailleur pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement, il doit inviter le travailleur à être entendu au préalable pour expliquer les faits et les motifs de la décision de licenciement envisagée. À cette fin, ces faits et motifs doivent avoir été communiqués par l'employeur au travailleur à l'avance, avec un délai suffisant pour que le travailleur puisse préparer l’entretien ou présenter des observations écrites. Cette garantie d'être entendu au préalable et de pouvoir faire valoir des observations de manière utile, qui est également inscrite dans le projet de réglementation, découle du principe général de bonne administration audi alteram partem, qui s'applique sans distinction au personnel contractuel et statutaire du secteur public.

Si l'employeur décide de licencier le travailleur après l'entretien préalable, la notification du licenciement doit se faire par écrit et indiquer les motifs concrets du licenciement. Ainsi, contrairement à ce qui se passe dans le cadre du CCT n° 109, le travailleur ne doit pas d'abord demander les motifs.

La notification écrite doit contenir les éléments permettant au travailleur de connaître les motifs concrets de son licenciement.

Si l'employeur n'entend pas le travailleur au préalable ou ne lui communique pas les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement, il est tenu de lui verser une indemnité correspondant à deux semaines de rémunération. Toutefois, la rupture du contrat de travail reste néanmoins valable.

Licenciement manifestement déraisonnable

Par analogie avec les règles de la convention collective n° 109, le licenciement manifestement déraisonnable est le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée qui se base sur des motifs étrangers à l'aptitude ou à la conduite du salarié ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l’établissement ou du service et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable. En cas de licenciement manifestement déraisonnable, l'employeur doit également payer au travailleur une indemnité égale à 3 semaines de salaire au minimum et à 17 semaines au maximum.

L'indemnité n'est pas cumulable avec d’autres indemnités prévues dans le cadre d’une procédure de licenciement spéciale (à l'exception de l'indemnité de deux semaines de rémunération visée ci-avant).

L'indemnité n'est pas non plus cumulable avec toute autre indemnité due par l'employeur à la suite de la rupture du contrat de travail, à l'exception d'une indemnité compensatoire de préavis, d'une indemnité de non-concurrence, d'une indemnité d’éviction ou d'une indemnité complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales.

Compte tenu du fait que la convention collective n°109 fait dépendre la charge de la preuve du licenciement manifestement déraisonnable de la manière dont s’est déroulé la notification des motifs concrets de licenciement (y a-t-il eu ou non une demande de la part du travailleur), alors que, dans la réglementation envisagée, la notification doit toujours être faite par l’autorité publique, il s'ensuit que la charge de la preuve est régie par le droit commun de la preuve, tel que prévu à l'article 870 du Code judiciaire (qui stipule que chaque partie apporte la preuve des faits qu'elle allègue), à moins que l’autorité employeur ait omis de communiquer les motifs concrets ayant conduit au licenciement. Dans ce dernier cas, il appartiendra à l'employeur d'apporter la preuve que le licenciement n'était pas manifestement déraisonnable.

Reliance Littler surveille l'entrée en vigueur du texte final de ce projet de loi. Une fois en vigueur, ces règlements apporteront sans aucun doute davantage de clarté et d’uniformité dans certains domaines (par exemple, concernant les sanctions en cas de non-respect de l’obligation d’audition des contractuels) ; cependant, certains aspects nécessiteront sans doute des éclaircissements qui devront être apportés par la jurisprudence (comme la notion de "délai suffisant" pour préparer l'audition). Nous restons attentifs à l'évolution de cette matière.